Foot foot foot… c’est LE sujet du moment. Difficile d’y échapper, à la télévision, dans la presse, dans la rue et les conversations. Et si l’on cherche à associer football et musique, qu’obtient-on ? Une question que s’est posée France Culture cette semaine, sous un titre volontairement provoquant : peut-on être mélomane et aimer le football ? (vous remarquerez que cela reste sous la forme interrogative).
Comme le rappelle le sociologue Bernard Lahire (auteur de La Culture des Individus), c’est en remontant aux « propriétés sociales » des deux types de publics que nous pouvons discerner certains éléments de divergence. Halte aux préjugés, me direz-vous, on peut aimer le football et la musique (classique, bien entendu) ! Certes, c’est possible, mais les nombreuses études conduites par le Ministère de la Culture, depuis plus de 40 ans, démontrent que les pratiques culturelles et sportives sont fortement corrélées au milieu social. Et, dans la classification des sociologues, la musique classique est plutôt l’apanage des « dominants », tandis que le foot appartient au domaine des « dominés ». Un vocabulaire qui peut paraître dur, voire choquant, mais qui, sans doute, reflète une partie des perceptions, de part et d’autre : un sentiment d’incompréhension, voire de mépris, pour ce qui peut constituer le centre d’intérêt, ou la passion, de « l’autre ».
Cependant, comme le rappelle avec justesse le sociologue, il ne faudrait pas y voir un simple effet de miroir. Ces deux regards sont en effet « assymétriques » dans la société actuelle. Si l’intérêt pour la musique classique, une forme culturelle considérée comme prestigieuse, pourrait à premier abord apparaître comme valorisante, les études montrent un certain sentiment de honte chez les jeunes qui apprécient la musique classique. Ainsi, lors d’une étude menée auprès de plusieurs groupes de jeunes, c’est seulement lors des entretiens individuels que certains jeunes « osaient » déclarer leur attrait pour la musique classique. Lors des entretiens collectifs, rien n’était dit, par peur sans doute du jugement méprisant ou moqueur de leurs pairs.
Heureusement, l’attrait pour l’un ou l’autre n’est pas imperméable à différentes classes sociales, mais, lorsque la pratique n’est pas forcément « conforme » à celle du groupe social auquel appartient l’individu, il sentira souvent le besoin de s’en justifier, comme si cela n’était pas « naturel » ou autorisé.
Pourquoi cette divergence ? Le sociologue américain Lawrence Levine, dans son livre Culture d’en haut, culture d’en bas, montre comment tout un travail social a été réalisé, au cours du XIXe siècle, pour instaurer (imposer) certains codes à l’univers de la musique (dite « classique »), qui ont introduit une séparation progressive entre différents publics, là où elle n’existait pas initialement. Une petite vidéo qui explique quand et pourquoi applaudir dans les concerts de musique classique illustre cette évolution. Vous y découvrirez notamment des initiatives récentes visant à « briser ses codes » et favoriser une meilleure perméabilité entre les différents publics. Et vous, musique OU foot, ou musique ET foot ?
Une réflexion sur « Football ou musique ? »
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