Beaucoup de musiciens, qu’ils soient amateurs ou professionnels, doivent régulièrement jouer « sans partition », et donc mémoriser notes, rythmes, phrasé musical et nuances, … Pour les Proms 2015, à Londres, un orchestre va jouer intégralement la Symphonie Pastorale de Beethoven sans partition : plus de 40 minutes de musique et des centaines millions de notes sans support visuel – un cas unique dans la pratique des orchestres actuellement. Certains musiciens estiment que jouer avec sans partition leur permet de donner une plus grande importance à l’expression musicale ; d’autres considèrent qu’apprendre un morceau par coeur est chronophage et qu’à contrario, la peur d’un « trou de mémoire » a un effet paralysant, contreproductif. La partition permettrait donc de gérer en partie le trac.
Les scientifiques se sont penchés dès le 18e siècle sur cette « mémoire musicale ». Reliée à la catégorie de mémoire dite « musculaire » (comme la conduite ou la frappe sur un clavier, c’est une mémoire qui s’acquiert et se développe par la répétition d’un mouvement). C’est un type de mémoire qui nous permet, de manière générale, de réaliser des opérations relativement complexes en y consacrant le minimum d’attention. Cependant, dans une configuration de stress ou d’anxiété, il arrive que la « machine cale ». Cet « accident de parcours », sur des procédures complètement maîtrisées, apparaît parfois chez des sportifs ou des musiciens de haut niveau. Une attention toute particulière est donc nécessaire pour éviter ces « accidents » du plus mauvais effet. Ce n’est pas la répétition « ad nauseam » – qui est pourtant le mécanisme central de ce type de mémoire – qui peut les éliminer. Les musiciens vont utiliser d’autres approches de la musique, qui viendront naturellement renforcer leur maîtrise de la partition. Par exemple : ré-écrire la partition de mémoire, ou produire un arrangement harmonique de la musique. Une autre approche consiste à commencer à jouer à partir d’un point différent de la partition : la mémoire musculaire est habituée à suivre le même enchaînement d’une action à l’autre, et il suffit parfois d’une petite distraction (un spectateur qui tousse) pour venir enrayer complètement l’enchaînement. Commencer « en cours de route » va venir perturber ce biais mémoriel, et, avec la pratique, renforcer la mémoire. Ces techniques vont venir créer de nouveaux « ancrages » auxquels la mémoire du musicien pourra venir se raccrocher en cas de besoin.
L’ensemble de ces pratiques cérébrales impacte le musicien : les neuroscientifiques ont noté une sur-activation de l’hippocampe. Ils ont également noté qu’en cas de perte de mémoire (chez les amnésiques par exemple) c’est la mémoire musicale qui est la mieux préservée. Si les causes de cette mémorisation très solide sont encore à analyser, les scientifiques pensent que la musique relie tellement de points différents du cerveau que ce réseau est particulièrement fort et résistant. Tout le monde a fait l’expérience de se souvenir facilement d’une chanson qu’il n’a pas entendu pendant plusieurs années. Nul doute que les nombreuses recherches en cours nous éclaireront davantage sur la façon dont la musique vient mettre en action notre cerveau !
Plus de détails : un article de la BBC de Jessica Grahn, spécialiste en neuroscience cognitive et professeur assisntant au Brain and Mind Institute (Western University, London, Ontario).
Une réflexion sur « La musique, c’est bon pour la mémoire »
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